Ferrari 348 :
La croisée des trajectoires
Ce n’est pas la Ferrari qu’on cite en premier, ni la plus glorieuse, ni la plus aimée. Mais elle est celle qui marqué son empreinte, même maladroitement.
La 348, c’est une transition brutale entre deux époques : la disparition du Commendatore, le début des années 90, et une marque qui tâtonne pour rester elle-même dans un monde qui change. Elle débarque comme la 308 GT4 quinze ans plus tôt : en rupture. Toutes deux adoptent des solutions techniques nouvelles, un style moins consensuel, une personnalité plus tranchée. Et toutes deux ont longtemps souffert de ne pas ressembler à ce qu’on attend d’une Ferrari.
Ni docile, ni flatteuse, la 348 est plus anguleuse que sensuelle, plus exigeante que gratifiante. Elle n’a pas cherché à plaire. Et c’est peut-être pour ça qu’on commence enfin à la prendre au sérieux.
Une Ferrari en lignes dures
La 348 est la dernière Ferrari entièrement dessinée sous l’œil de Leonardo Fioravanti, chez Pininfarina. Mais elle n’a rien d’un chant du cygne. Elle tranche — au propre comme au figuré. C’est une Ferrari aux arêtes vives, tendue comme une lame, sculptée dans la rigueur.
Ses ouïes latérales striées, héritées de la Testarossa, ne sont pas là pour faire joli : elles canalisent l’air vers les radiateurs latéraux. Mais elles installent aussi un vocabulaire visuel brutal, presque architectural. Le flanc n’est plus une surface, c’est une structure.
Contrairement à la 328 qui l’a précédée — toute en rondeurs classiques — la 348 fait le choix d’un dessin anguleux, compact, ramassé, qui colle à la tendance des années 80 finissantes. Les feux arrière sont masqués sous des grilles noires, comme sur la Testarossa, autre provocation stylistique. Même son regard est sans douceur : phares escamotables devant, fente d’admission en guise de bouche, rien ne cherche la séduction.
En fait, la 348 n’essaie pas de plaire. Elle impose une présence, elle s’annonce. Elle ne drague pas, elle s’impose ; et ça déroute. À sa sortie, beaucoup la trouvent “froide”, voire “arrogante”.
Mais à l’heure où le design automobile revient aux volumes nets, aux découpes franches et aux lignes affirmées, la 348 paraît presque en avance.
Une machine à dompter
La 348, ce n’est pas une GT. Ce n’est même pas une berlinette dans le sens classique du terme. C’est une petite bête nerveuse, qui ne pardonne pas l’à-peu-près. À son volant, pas de place pour le confort, ni pour la détente : tout est tendu, serré, rugueux. Le pédalier est décalé à gauche, la direction est lourde à basse vitesse, et le levier de vitesses en grille demande un vrai poignet — surtout à froid.
Mais ce n’est pas un défaut. C’est une signature.
Le V8 3.4 litres, monté longitudinalement en position centrale arrière, est une première pour une "petite" Ferrari. Il n'est pas explosif, mais il est plein, progressif, vivant. Il grimpe à près de 8 000 tr/min avec une voix métallique qui hurle plus qu’elle ne chante. Pas de turbo, pas d’aide, pas d’électronique envahissante. Rien que le pilote, la boîte manuelle, et la route.
La boîte est montée transversalement à l'arrière du moteur, d’où les appellations TB ou TS pour Trasversale. Cette configuration, déjà inaugurée sur la Mondial T, abaisse le centre de gravité et améliore la répartition des masses. Mais elle rend aussi la mécanique plus complexe et la boîte rugueuse, lente ; d'aucuns diraient "virile".
Et puis il y a ce châssis. Un caisson central sur lequel sont soudés des tubes de section différentes pour constituer un berceau à l'avant et à l'arrière. Il est à la fois plus rigide, plus large, mais aussi plus piégeux que celui de la 328. Le train arrière peut surprendre, surtout si l’on lève le pied en appui. C’est une voiture qui demande du respect. Mais si on l’écoute, si on la sent, si on s’aligne sur son rythme, alors elle répond avec une précision chirurgicale.
En 1990, une NSX était plus rapide, plus facile, plus rassurante. La 348, elle, était plus vivante. Moins parfaite, mais plus intense. Elle ne se conduit pas, elle se pilote. C’est toute la différence entre une voiture bien conçue… et une Ferrari.
La revanche d’une incomprise
La 348 n’a jamais eu bonne presse. À peine lancée, elle est critiquée pour son comportement pointu, son ergonomie tatillonne, ses finitions aléatoires. Et quand la F355 arrive en 1994, plus puissante, plus belle, plus civilisée, elle enterre presque instantanément sa devancière dans l’imaginaire collectif. Pire : elle la fait passer pour une version bâclée, une esquisse.
Mais ce serait une erreur de la juger à travers ce prisme.
Car ce que la 348 propose, la 355 ne l’offre plus tout à fait : un contact direct, sans filtre, sans compromis. Elle appartient à cette dernière génération de Ferrari vraiment analogiques, avant l’arrivée massive de l’électronique, des aides actives et des boîtes robotisées.
Et comme souvent avec les mal-aimées, le temps fait le tri. Aujourd’hui, les collectionneurs les plus lucides redécouvrent la 348 pour ce qu’elle est : la Ferrari des puristes, celle qu’on ne choisit pas pour l’image, mais pour la mécanique. Et ça change tout.
Elle reste exigeante, capricieuse parfois. Mais dans un monde où tout devient lisse, elle offre une résistance bienvenue. Comme la 308 GT4, autre rejetée devenue culte, la 348 est en train de sortir de l’ombre, lentement mais sûrement.
Elle n’a pas été un mythe. Elle pourrait bien devenir une référence.
Chiffres de production
Produite de 1989 à 1995, la Ferrari 348 s’est écoulée à environ 9 000 exemplaires en version TB/TS, auxquels s’ajoutent les évolutions ultérieures. C’est beaucoup pour une Ferrari de cette époque, preuve d’une vraie ambition de Maranello pour sa berlinette V8.
La première série comprend :
En 1993, Ferrari révise en profondeur le modèle. La boîte est renforcée, le châssis affûté, le moteur porté à 320 ch. Trois nouvelles déclinaisons voient le jour :
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348 GTB : 222 exemplaires (14 RHD),
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348 GTS : 218 exemplaires (15 RHD),
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348 Spider : 1 146 exemplaires (68 RHD), premier cabriolet Ferrari à moteur central transversal.
À part, la 348 Competizione, version allégée et affûtée en vue de l’homologation GT, ne fut produite qu’à 56 exemplaires (dont 12 en RHD). Autant dire une rareté absolue.
Ces évolutions tardives corrigent la plupart des critiques faites aux premiers modèles. Aujourd’hui, ce sont elles — GTB, GTS, Competizione — qui attirent les connaisseurs. Parce qu’elles montrent ce qu’aurait pu être la 348 si elle avait eu dès le départ les moyens de ses ambitions.
FICHE TECHNIQUE : Ferrari 348 TB
🔥 MOTEUR
🔹 Type du moteur : V8 ouvert à 90°, essence
🔹 Bloc : Aluminium
🔹 Culasse : Aluminium
🔹 Emplacement : Longitudinal, central arrière
🔹 Puissance fiscale : 21 CV
🔹 Cylindrée : 3 405 cm³
🔹 Alésage x course : 85 x 75 mm
🔹 Taux de compression : 10,4:1
🔹 Vilebrequin : 5 paliers
🔹 Puissance maximale : 295 ch à 7 000 tr/min
🔹 Couple maximal : 32,9 mkg à 4 200 tr/min
🔹 Distribution : 2 doubles arbres à cames en tête
🔹 Nombre de soupapes : 32
🔹 Alimentation : Injection électronique Bosch Motronic
⚙️ TRANSMISSION
🔹 Type de transmission : Propulsion
🔹 Boîte de vitesses : Manuelle 5 rapports
🔹 Direction : À crémaillère, assistée
🔹 Diamètre de braquage : 12,1 mètres
🛠️ CHÂSSIS & SUSPENSIONS
🔹 Châssis : tubulaire en acier + coque centrale
🔹 Suspension avant : Doubles triangles superposés, ressorts hélicoïdaux, amortisseurs, barre anti-roulis
🔹 Suspension arrière : Doubles triangles superposés, ressorts hélicoïdaux, amortisseurs, barre anti-roulis
📏 DIMENSIONS
🔹 Longueur : 4 230 mm
🔹 Largeur : 1 892 mm
🔹 Hauteur : 1 168 mm
🔹 Empattement : 2 450 mm
🔹 Voie avant : 1 501 mm
🔹 Voie arrière : 1 577 mm
🔹 Garde au sol : 120 mm
🛞 ROUES & FREINS
🔹 Pneus avant : 215/50 ZR 17
🔹 Pneus arrière : 255/45 ZR 17
🔹 Freins avant : Disques ventilés, 300 mm
🔹 Freins arrière : Disques ventilés, 305 mm
🏁 PERFORMANCES
🔹 Vitesse maximale : 275 km/h
🔹 0 à 100 km/h : 5,6 secondes
🔹 400 m D.A. : 14 s
🔹 1000 m D.A. : 24,7 s
⛽ CONSOMMATION & AUTONOMIE
🔹 Capacité du réservoir : 95 litres
🔹 Consommation à 90 km/h : 8,4 l/100 km
🔹 Consommation à 120 km/h : 9,5 l/100 km
🔹 Consommation en cycle urbain : 19,6 l/100 km
📦 DIVERS
🔹 Volume du coffre : Environ 150 litres (avant et arrière combinés)
🔹 Cx : 0,32
🔹 Poids à vide : 1390 kg