Renault Estafette 800 (1962-1968)

(Yvetot, Seine-Maritime, octobre 2015)

Au début des années 50, la gamme utilitaire Renault se limite au 1000 kg/1400 kg, qui sera renommé Voltigeur/Goélette en 1956, et la Dauphinoise, version de la JuvaQuatre break de 300 kg de charge utile. Entre les deux, la Colorale n'est pas vraiment très prisée par la clientèle et au fond ne répond pas à la demande. En face, le Type H de Citroën vient de poser les bases de l'utilitaire moderne avec un moteur avant, roues avant motrices et plancher plat à l'arrière. De même, Chenard & Walcker étaient arrivés aux mêmes conclusions avec le D3 avant de céder leur entreprise à Peugeot (voir un Peugeot D4).

Chez Renault on lance une étude pour concevoir un nouvel utilitaire qui devra reprendre le plus de pièces possible de la Dauphine et de la 4CV. L'ingénieur maison, Fernand Picard, fait démonter un Combi Volkswagen et un utilitaire Gutbrod pour en imiter la technique. Leur moteur arrière correspond bien à la conception automobile de Picard, mais se révèle inefficace pour un utilitaire. De son côté, un jeune ingénieur, Guy Grosset-Grange, propose de concevoir un utilitaire à la façon de Citroën et Peugeot. La traction et le moteur avant permettent de libérer le volume arrière et de proposer un plancher plat, des grands ouvrant latéraux et arrière.

C'est Pierre Dreyfus qui tranche et renvoie Fernand Picard à ses travaux tandis qu'il permet à Grosset-Grange de lancer le projet. L'Estafette (nom à la fois d'un oiseau - comme la Goélette et la Frégate - et d'un messager) est lancée en septembre 1959 en plusieurs versions : fourgon, fourgon réhaussé de 28 cm par un toit en fibre de verre, pick-up bâché et voiture 9 places (appelée Alouette en 1961 avec des sièges amovibles et entièrement vitrée). Il y a aussi une version nommée Zone Bleue qui contourne l'interdiction en ville des utilitaires de plus de 500 kg de charge utile. Bien d'autres configurations seront possibles, rendant inombrables les versions du véhicule, tout comme pour le Type H. De la boucherie à la boulangerie en passant par l'ambulance ou le glacier, l'Estafette devient un magasin roulant, un atelier mobile, voire un camping-car.

La mécanique est directement issue de la Dauphine avec le moteur Billancourt dit Ventoux de 845 cm3 et 3 paliers. Avec 32 ch SAE, il n'est pas très vaillant, mais il autorise une charge utile de 600 kg. Il permettra d'aller partout, doucement certes, mais d'y aller. Là, où l'Estafette se distingue, c'est sur les coloris et l'esthétique. Renault a voulu ne pas faire une boite sur roues. Il n'y a quasiment aucune ligne droite dans la carrosserie et tout est conçu pour être léger, peu emcombrant tout en valorisant le volume utile. Là encore, le moteur en porte-à-faux avant avec boite-pont accolé avec deux cardans à joints homocinétique participe à la gestion de l'espace. Il est d'ailleurs conçu pour être retiré en bloc par le dessous de la carrosserie. A l'arrière, il n'y a que les deux roues indépendantes, le réservoir d'essence et la batterie. On notera que chaque ouverture est dotée de son propre système : porte coulissante à l'avant gauche, porte suicide à l'avant droit, porte coulissante à l'arrière droit et triple ouvrant à l'arrière. Quant aux coloris, Renault sort sur sempiternel gris et offrant des couleurs pimpantes : bleu, jaune, orange.

Au fil des ans, l'Estafette va évoluer. Dès 1962, elle reçoit le moteur Cléon dit Sierra de la Renault Floride S et qu'on retrouvera dans la Renault 8 Major. Ce nouveau moteur 5 paliers offre 12 ch de plus et une souplesse bien plus importante. La charge utile progresse alors à 800 kg et même à 1000 kg en 1965 avec la version rallongée de 35 cm. Elle prend alors le nom Estafette 800 (notre modèle) pour mettre en avant cette nouvelle performance.

En 1968, elle reçoit le nouveau moteur 1300 de la Renault 12 qui n'est pas plus puissant (il fait même 3 ch de moins), mais est plus souple. La charge utile de 1000 kg est généralisée. Pour l'occasion, l'Estafette reçoit un nouveau tableau de bord, des nouveaux pare-chocs qui intégrent le marche-pied et des cerclages de phares chromés. L'année suivante, des clignotants avant modernes qui intègrent les feux de position sont installés (modèle blanc du bas) et enfin en 1973, la calandre n'est plus faite d'une grille mais de tôle ajourée. Cette ultime version reste ainsi jusqu'à la fin de sa carrière.

533 201 exemplaires de l'Estafette seront produits de 1959 à 1981, avant que le Renault Trafic et le Renault Master ne prennent la relève.

Pour en savoir plus : Estafette.

(Castries, Hérault, juillet 2007)