Saab 900 S 16V (1989-1993)
(Caudebec-en-Caux, Seine-Maritime, avril 2013)
De la contrainte naît parfois le talent. Et c'est en raison de normes américaines concernant les déformations en cas de choc à 30 miles par heure (48 km/h) que se révèle la nécessité de faire évoluer le modèle phare de la marque, la Saab 99. Les résultats des crash-test démontrent que la meilleure façon de respecter ces normes est d'étirer les parties en porte-à-faux de la voiture. Sur les bases d'une 99, l'empattement est rallongé de 5 cm et la carrosserie étirée. Le gain en longueur est de 21 cm par rapport au coupé et 32 cm par rapport à la berline. Les voies sont également élargies d'un petit centimètre. La ligne est abaissée, la position du pare-brise reculée et sa taille agrandie. En plus de respecter les normes, celà permet de monter en gamme et de venir lutter contre Mercedes et BMW sur le marché américain.
La nouvelle 900 est présentée en octobre 1978 au Salon de l'Automobile de Paris. Il y a deux versions : coupé trois portes ou berline cinq portes, cinq finitions et des motorisations variées. Mais elle étonne surtout par la qualité de sa conception et l'originalité des détails. La voiture est pensée d'emblée en termes de sécurité : les larges pare-choc en témoignent. Le long capot et l'arrière étiré comme un jour sans pain et qui abrite une véritable soute à bagages sont des zones de déformation à absorption des chocs. La colonne de direction est elle aussi déformable et l'ergonomie des commandes est pensée de façon à ne pas susciter de blessure importante. De même, les piliers sont renforcés pour que la voiture ne s'effondre pas sur elle-même en cas de retournement. La carrosserie est assez épaisse pour encaisser le choc avec un élan, rien que ça.
Elle est en outre pensée pour pouvoir être utilisée avec des moufles aux mains, voiture suédoise oblige. Le pare-brise est très arrondi et sa forme très large et peu haute le rendent plus facile à déneiger. La signalétique des commandes est étudiée pour être compréhensible dans toutes les langues ce qui évite d'avoir à la modifier pour chaque pays. Le tableau de bord est incurvé autour du poste de conduite et les regards les plus fins remarqueront que le volant ne fait pas exactement face au conducteur. Il est incliné de quelques degrés sur la gauche de façon à augmenter l'espace entre le volant et le siège et améliorer l'accès à bord. Enfin, on remarque que la clef de contact n'est pas sur la colonne de direction ni même sur le tableau de bord. Depuis la Saab 96 de 1964, la clef est logée entre les deux sièges. Certains affirment que la raison technique relève de la sécurité et évite de se blesser la rotule sur la clef en cas de choc. Mais le fait que la clef ne puisse être retirée que si la marche arrière est enclenchée laisse également penser que c'est un élégant et peu cher antivol et une solution efficace pour éviter de serrer le frein à main en cas de froid intense, comme il est fréquent de rencontrer en hiver en Suède.
Lancée en septembre 1978, la Saab 900 séduit immédiatement. Sa ligne de profil rappelle le Spitfire (l'avion, pas la voiture), sa silhouette originale interpelle. On aime ou on déteste, mais on ne peut pas rester insensible. Conçue initialement pour le marché américain, la voiture est handicapée par sa mécanique. Les moteurs sont directement repris des 2 litres de la 99 et démarrent à 100 ch avec carburateur simple corps sur GL, 108 ch et deux carburateurs sur GLS, 118 ch avec injection sur 900 GLI ou EMS, et enfin 145 ch sur 900 Turbo (il existe également la finition GLE avec boite auto à trois rapports). Toutes ces mécaniques sont associées à une boite manuelle à 4 rapports. Mais la Saab 900 ainsi conçue est gourmande, et peu adaptée en termes de pollution aux normes américaines.
Dès 1980, quelques évolutions interviennent. La sellerie est modifiée et devient plus confortable et mieux enveloppante. Les version Turbo et EMS reçoivent une boite 5 rapport et la GLE peut recevoir une boite manuelle à 4 rapports. Mais c'est surtout le système APC qui va permettre de passer les frontières américaines et d'y rencontrer le succès. Un capteur piézoélectrique intégré au bloc moteur détecte le risque de cliquetis ; le module de contrôle électronique commande alors l'ouverture d'une soupape de décharge (wastegate) de manière à dévier directement vers la tubulure d'échappement une partie du gaz d'échappement destiné à la turbine. Ce système accorde l'utilisation d'indices d'octane plus faible et rend également l'usage du turbo plus sûr pour le moteur. Cet équipement sera installé dans les versions à moteurs Turbo à partir de 1982. Il permet en outre de relever le taux de compression de 7,2 à 9:1 ce qui améliore immédiatement les performances tout en restant conforme aux normes américaines. A partir de là, les ventes de 900 ne cesseront jamais de progresser de mois en mois sur le nouveau continent et ce pendant 5 ans.
Pour le millésime 1981, une étrange et rare version trois volumes fait son entrée en scène. Dôtée d'une ligne arrière brisée et d'une vitre latérale de custode et un pavillon surélevé. Son coffre est encore agrandi. L'année suivante, une version rallongée de 20 cm, la 900 CD, tente de se placer en concurrentes des limousines, l'allongement ayant entièrement été attribué aux places arrière.
Fin 1982, outre l'adoption généralisée du système APC, les moteurs 16 soupapes font leur entrée. Avec des bougies redisposées au centre d'une chambre de combustion hémisphérique, deux arbres à cames en tête, ce moteur peut développer jusqu'à 185 ch dans la 900 Aero, connue pour son fameux boitier APC rouge. La version à boitier noir, elle, ne délivre "que" 160 ch mais économise 10 % de carburant.
En 1983 (millésime 1984), la Saab 900 évolue encore. La nouvelle calandre fait apparaître pour la première fois le dessin à quatre ouvertures qui sera emblématique de la marque à partir de là. La calandre reste toujours verticale (flat-nose). Les pare-chocs sont encore mieux enveloppants et la sellerie abaissée de 2 cm pour une meilleure assise. L'étagement des boites est revu et le système APC équipe toutes les versions Turbo.
Pour 1985, la 900i remplace la 900 GLi avec moteur injection de 118 ch. La Turbo 8 soupapes passe de 145 à 155 ch tandis que la version 16 soupapes en propose 175. Ces moteurs turbo sont également accompagnés d'une courbe de couple assez plate et transforment la 900 en veritable avion de chasse, prêt à croquer de la berline allemande, notament en reprises.
En juillet 1986, pour le millésime 1987, la calandre est inclinée sans changer l'esprit. La 900 y gagne de la fluidité. La gamme reste inchangée mais la 900 Turbo 16 Aero reste seule à proposer les 185 ch, la Turbo 16 S ayant été arrêtée. C'est surtout l'arrivée du cabriolet qui va emmener la 900 dans une nouvelle aventure, où les ventes dépasseront les objectifs de vente sans aucune publicité d'aucune sorte, juste par bouche à oreille. Elle partage avec le coupé deux portes les mêmes feux arrière.
Peu à peu, les versions à moteur 8 soupapes sont éliminées. D'abord le "100 ch carburateur", puis l'injection et enfin le Turbo. Si bien qu'en 1990 est proposé en remplacement de ce dernier une version basse pression du moteur turbo 16S et qu'on retrouve sous le nom "900 S" (notre modèle). Ce moteur de 145 ch offre une courbe de couple plate de plus de 20 mkg et permet des reprises assez stupéfiantes pour un 2 litres de 4 cylindres. Entre temps, Saab a amélioré le freinage en généralisant les disques ventilés et a créé son propre ABS. La plupart des systèmes existant ayant été conçus pour des propulsions se sont révélés inefficaces, voire dangereux, pour une traction. Saab a donc développé l'ABS+3 à trois voies (une pour les roues arrière et une pour chaque roue avant).
Sur la route, la 900 est une voiture placide. Les commandes sont conçues pour rester relax. Il faut appuyer fort sur les pédales pour dépasser les limitations de vitesse. Les accélérations sont alors franches et les reprises en remontrent à pas mal de moteur mazoutés modernes. Le comportement est rigoureux dans la tenue de cap, mais il ne faut pas lui demander de monter le col du Ventoux le couteau entre les dents. Si la motricité est bonne, le poids et le train avant un peu lourdeau la gênent. Mais elle est autoritaire sur la file de gauche de l'autouroute, et curieusement les autres usagers lui cèdent le terrain plus facilement qu'à d'autres. Comme une sorte de respect tacite.
Empêtrée dans des difficultés financières, Saab ne fera plus beaucoup évoluer la 900. Le rachat par General Motors verra alors le remplacement de la 900 par la 900 NG, conçue sur une base d'Opel Vectra. Mais Saab y mettra encore tout son talent pour en faire une voiture assez différente de l'Opel.
Si les 900 NG ne valent pas grand chose à l'heure actuelle sur le marché (votre serviteur est détenteur d'une 900 S de 1994 qu'il utilise quotiiennement), les 900 dites désormais "900 Classic" ont la côte. On ne parle pas d'une 900 cabriolet turbo 16 S qui atteint des sommets, mais de la simple 900 dont les tarifs oscillent entre 3500 € et 6000 € pour une Turbo S. Heureusement, les modèles rares à quatre portes sont encore abordables avec les mêmes équipements.
En définitive, la Saab 900 est une voiture fort attachante. Elle est devenue la voiture des professions libérales, des indépendants et des cadres. Elle a incarné l'anti BMW ou l'anti Mercedes. Le profil type de son propriétaire est un architecte. C'est une voiture prisée pour son originalité, pour ses performances discrètes mais qui surprennent toujours les autres, pour son habitabilité impressionnante, pour son interprétation particulière et tellement logique de son ergonomie, son confort royal. C'est une voiture anticonformiste et discrète qui séduit tant qu'on s'y attache et que les propriétaires, à l'image de ceux d'une Volvo, gardent longtemps leur voiture. 900 000 voitures ont été fabriquées entre 1978 et 1993, dont plus d'un tiers avec un moteur turbo, faisant alors de Saab le premier constructeur de moteurs turbo, devant Renault !
Pour en savoir plus :
- SaabSportClub
- http://graphikdesigns.free.fr
- petitgarage.fr
Fiche technique :
Type du moteur : 4 cylindres en ligne, essence
Emplacement : longitudinal, avant
Puissance fiscale : 9 CV
Cylindrée : 1985 cm3
Alésage x course : 90 x 78 mm
Taux de compression : NC
Vilebrequin : 5 paliers
Puissance maximale : 145 ch à 5600 tr/min
Couple maximal : 20,4 mkg à 3000 tr/min
Distribution : double arbre à cames en tête
Nombre de soupapes : 16
Alimentation : injection
Suralimentation : turbocompresseur
Type de transmission : traction
Boite de vitesses manuelle à 5 rapports
Direction à crémaillère
Suspension av : roues indépendantes type McPherson, barre stabilisatrice, ressorts hélicoïdaux
Suspension ar : essieu rigide, barre stabilisatrice, ressorts hélicoïdaux
Longueur : 469 cm
Largeur : 169 cm
Hauteur : 140,5 cm
Empattement : 251,7 cm
Voie av : 143 cm
Voie ar : 144 cm
Pneus av : 195/60 VR 15
Pneus ar : 195/60 VR 15
Freins av : disques ventilés
Freins ar : disques
Vitesse maximale : 202 km/h
0 à 100 km/h : 11,9 s
400 m.D.A. : 17,1 s
1000 m.D.A. : 31,5 s
Capacité du réservoir : 63 litres
Consommation moyenne sur route : 8,5 l/100km
Consommation moyenne sur autoroute : 10,2 l/100km
Consommation moyenne en cycle urbain : 12,1 l/100km
Volume du coffre : 480 litres
Cx : 0.34
Poids : 1284 kg