Venturi 200 (1986-1990)
L'automobile est souvent l'affaire de passion, surtout lorsqu'elle est artisanale. Et celle de Venturi démarre dans les ateliers de Heuliez, à Cerisay. Deux hommes sont chargés de concevoir la cabine d'une bétaillère : Claude Poiraud est responsable de la fabrication et Gérard Godfroy est styliste. Ils se confient alors mutuellement leur envie de concevoir une voiture de sport dans l'idée d'une Alpine 310 ou d'une Murena. Leur idée est assez précise : châssis poutre, poids d'environ 700 kg, motorisation digne de ce nom et suspension au mieux de ce qui se fait.
Mais le temps est encore à la conception et Godfroy, qui a quitté Heuliez, entreprend une maquette à l'échelle 1 dans la cave de Claude Poiraud. Malheureusement un poteau au centre du sous-sol les contraint à réaliser le prototype en mousse en deux parties. Elles sont ensuite assemblées dans le jardin. Leur envie s'en trouve renforcée et ils se donnent pour objectif de présenter une nouvelle maquette, en polyester cette fois, au Salon de l'Auto de Paris en octobre 1984. A force de nuits blanches, ils y parviennent et présentent le prototype Ventury (avec un y) sur le stand Godfroy, Poiraud étant toujours chez Heuliez. L'accueil réservé à la voiture est excellent. Le public est séduit par la ligne, la peinture en deux tons de gris. Pour l'anecdote, la maquette ne peut pas rouler, mais pour donner le change on l'a équipée d'un moteur de Golf GTI. C'est là que démarre l'aventure industrielle.
Si Godfroy se met en retrait du projet, un financier, Hervé Boulan, est tout à fait séduit. Il souhaite toutefois que le coupé se situe en haut de gamme pour aller concurrencer les Porsche. Il estime qu'il faut un moteur d'environ 200 ch pour ne pas tomber dans le travers des Alpine ou Murena sous-motorisées, et un équipement intérieur raffiné pour que la voiture ne rate pas sa cible. Boulan songe d'abord au moteur de la Saab 900 Turbo, mais il n'est pas français et ne fait pas tout à fait 200 ch. C'est ensuite le 2.2 litres Chrysler qu'on retrouve dans la Murena, mais qui équipe aussi la 505 Turbo dans une version 200 ch (Kit Danielson) ou même la BX 4TC. Hervé Boulan fait également changer le nom de Ventury en Venturi, histoire de franciser le nom, et la "Manufacture de Voitures de Sport" (M.V.S) est créée. Boulan cherche des partenaires et trouve dans la personne de Jean Rondeau un allié qui lui ouvre les portes de ses ateliers. Le développement va débuter chez le pilote-constructeur vainqueur de l'édition 1980 des 24 heures du Mans avec l'aide de Philippe Beloou pour le châssis-poutre. Parallèlement, une usine est développée près de Cholet.
Les premiers essais avec Jean-Pierre Beltoise au volant mettent en évidence le manque de souplesse du moteur Chrysler. L'idée du V6 Alfa du coupé GTV6 est rapidement écartée et c'est le PRV dans sa version 2.5 Turbo de 200 ch qui est retenue. Le moteur rentre au chausse-pied dans le compartiment moteur plus étroit que celui de la Renault 25 V6 turbo. Le moteur est devant la boite, posé sur le train arrière selon l'architecture à moteur central arrière. Les trains roulants McPherson sont remplacés par une double triangulation à l'avant et un train multibras à l'arrière, soit le nec plus ultra. Les essais en soufflerie mettent en évidence quelques défauts très vite corrigés pour un Cx final de 0.36. La Venturi s'équipe à l'arrière des feux de BMW série 3 E21 qui lui vont très bien. On retrouve aussi des rétroviseurs de CX, un pare-brise de Fuego. Godfroy a redessiné l'intérieur pour lui donner plus de noblesse en l'habillant de cuir Connolly et le bois.
La première Venturi 200 (pour 200 ch) est présentée au Salon de l'Auto de 1986. Les reportages à la télévision, la presse, tout le milieu de l'automobile salue l'arrivée d'un nouveau constructeur sur la scène automobile française. On loue le travail, la qualité, l'esthétique. Mais la Venturi coute pas loin de 300 000 F, soit plus chère de 70 000 F qu'une Alpine GTA ! Qu'importe, les premières commandes sont enregistrées et les premières livraisons interviennent au cours de l'été 1987. Les premiers exemplaires produits dans l'usine de Cholet conservent longtemps leur immatriculation en WW, le temps de recevoir l'homologation du Service des Mines en septembre. Dès l'année suivante, la première variation intervient avec le superbe cabriolet baptisé Transcup.
En 1989, les ambitions de Venturi grandissent. La Venturi 200 a été vendue à plus de 100 exemplaires en 1988 et la Transcup devrait aider à augmenter les cadences. L'augmentation de cylindrée du PRV à 2.8 litres donne des idées à M.V.S. En modifiant pistons, arbres à cames, culasse, en installant des soupapes refroidies au sodium, il est retiré 260 ch du PRV. Le turbo avec intercooler fournit également le couple fort appréciable de 41,3 mkg dès 1750 tr/min. La Venturi est transformée, offrant des performances de tout premier ordre et en venant jouer dans la catégorie des grandes. Elle est commercialisée sous le nom MVS 2.80 SPC (Sans Pot Catalytique). Elle est produite à 60 exemplaires alors qu'il n'en était attendu que 25.
Mais M.V.S est en difficulté financière. Le développement de la Transcup a couté cher, et les difficultés découlant de l'architecture de la voiture ont conduit à des solutions qu'il a été difficile de trouver et qui se révèlent onéreuses. Au résultat la Transcup n'a été produite qu'à une poignée d'exemplaires qu'il a presque tous fallu reprendre en raison de problèmes d'étanchéité. La firme est alors reprise par le groupe Primwest qui détient déjà la marque Stimula-De la Chapelle. Elle pousse à la tête de MVS Xavier de la Chapelle, fondateur de sa propre marque. Il est surtout connu pour sa version personnelle de la Bugatti 55. Il impose de nouveaux choix dont la suppression de la marque M.V.S. qui devient tout simplement Venturi. Un nouveau logo au griffon en est inauguré (modèle bleu ci-dessus). Ensuite la production est transférée de Cholet à Couëron, dans la banlieue de Nantes afin de partager les installations avec De la Chapelle. Il choisit une stratégie offensive pour conquérir des marchés étrangers (Suisse, Allemagne, USA, Japon). La 2.80 SPC devient alors Venturi 260 APC (Avec Pot Catalytique). Le moteur 200 ch est porté à 210 ch et donne naissance à la rare Venturi 210 (8 exemplaires) et à la Transcup 210 (11 exemplaires). En 1991 nait également la Venturi 260 Atlantique, version allégée de la 260 APC. Des versions plus légères sont aussi mises au point, comme la Transcup 160 (un seul exemplaire en boite manuelle et deux avec boite automatique, et trois coupé 160 BVA), ou la Venturi 180 avec moteur de Renault 21 Turbo (21 exemplaires en 1992, plus 15 Transcup) destinée à l'Italie pour contourner la surtaxe concernant les moteurs de plus de deux litres.
Malheureusement, Venturi a sans doute eu les yeux plus gros que le ventre. La firme s'est engagée dans divers championnats (qu'elle a accessoirement crées comme le Gentleman Drivers Trophy). Mais entre les 24 heures du Mans, l'engagement en GT, le Trophée Andros et le rachat partiel de l'écurie de Formule 1 de Gérard Larrousse, Venturi a accumulé 150 millions de Francs de dette. Les 60 exemplaires de 300 Atlantique, au style rénové, vendues en 1995 n'y changeront rien. Les effets de la Guerre du Golfe ralentissent l'économie mondiale et le dépôt de bilan intervient le 8 octobre. Elle est rachetée par des investisseurs thaïlandais qui réduisent l'effectif de 60 à 25 salariés. Elle est à nouveau rachetée en 2000 par la famille monégasque Pastor.
Depuis, Venturi fabrique des véhicules électriques. L'usine de Couëron a changé d'activité. La communication de l'entreprise montre qu'elle vend à un prix ahurissant des véhicules électriques très performants. Venturi détient des records de vitesse pour des véhicules électriques avec la Buckeye Bullet et développe des engins permettant de circuler en Antarctique sans laisser d'empreinte carbone. Elle a développé à partir du Citroën Berlingo des véhicules électriques pour fournir la Poste, à 42000 € l'unité ! Enfin, elle participe au Championnat de Formule E, s'étant classée avant-dernière de la saison 2014/2015 avec Nick Heidfeld et Stéphane Sarrazin.
La Venturi 200 (modèle bleu ci-dessus) ou M.V.S CUP 221 (modèle ci-dessous) a été fabriquée à 194 exemplaires de 1986 à 1990, remplacée par la Venturi 210.
Pour en savoir plus :
- zoomautoblog
- automobile-sportive.com
- motorlegend
Fiche technique :
Moteur : V6 PRV ouvert à 90°, essence
Emplacement : longitudinal, central arrière
Puissance fiscale : 12 CV
Cylindrée : 2458 cm3
Alésage x course : 91 x 63 mm
Taux de compression : 8,6:1
Puissance maximale : 200 ch à 5750 tr/min
Couple maximal : 26,9 mkg à 2500 tr/min
Distribution : deux arbres à cames en tête
Nombre de soupapes : 12
Alimentation : injection électronique
Suralimentation : turbocompresseur Garrett T3 (0,85 bar) + intercooler
Type de transmission : propulsion
Boite de vitesses manuelle à 5 rapports
Direction à crémaillère
Suspension av : roues indépendantes, double triangles, barre antiroulis, ressorts hélicoïdaux
Suspension ar : roues indépendantes à 5 bras, barre antiroulis, ressorts hélicoïdaux
Longueur : 409 cm
Largeur : 170 cm
Hauteur : 117 cm
Empattement : 240 cm
Pneus av : 205/55 ZR 16
Pneus ar : 245/45 ZR 16
Freins av : disques ventilés (280 mm)
Freins ar : disques ventilés (280 mm)
Vitesse maximale : 250 km/h
0 à 100 km/h : 6,9 s
400 m D.A. : 14,8 s
1000 m D.A. : 26,6 s
Capacité du réservoir : 90 litres
Volume du coffre : 150 litres
Cx : 0.36
Poids : 1255 kg
(Dinard, Ille-et-Vilaine, octobre 2016)