Lada Niva (1976-2009)
(Yvetot, Seine-Maritime, septembre 2011)
L'automobile a souvent eu bien du retard de l'autre côté du rideau de fer et les conceptions bolchéviques n'ont jamais rien eu de révolutionnaire d'un point de vue mécanique. Cependant, de la contrainte nait la créativité et depuis l'après-guerre, pour subvenir aux caprices d'un climat très dur et pour affronter un réseau routier aussi vaste que difficile à entretenir, où seuls les grands axes sont asphaltés, les russes savent construire des véhicules 4X4 enclenchables. Des adaptations sont possibles sur les voitures le plus improbables comme les énormes limousines conçues pour les apparatchiks. Ces voitures sont néanmoins peu accessibles à la plupart des cityoens soviétiques.
C'est une demande d'Alexis Kossyguine, alors Président du Conseil des Ministres du gouvernement soviétique, qui va conduire Avtovaz, le constructeur national qui fabrique la Fiat 124 sous licence, à imaginer dès 1971 un véhicule 4X4 utilisable tant en ville qu'à la campagne, un peu à l'image du Range Rover, mais à la façon prolératienne. Deux autres usines sont également sur les rangs, mais ne remporteront pas le marché.
Les premières esquisses partent du concept de la Jeep, et Vladimir Sergeevicha (chef du projet) et Piotr Mikhaïlovitch (ingénieur général) livrent un premier prototype, dénué de porte et de toiture, bien trop rustique pour une utilisation citadine. Par ailleurs, le moteur 1300 de la Fiat 124 est jugé trop faible. Le copie est revue et s'inspire du prototype "Cheburaska", une traction avant compacte à mi-chemin entre la Maruti-Suzuki et la Fiat 127. Elle en conserva la caisse auto-porteuse monocoque. Avtovaz rajoute une transmission intégrale permanente, des roues indépendantes à l'avant, un réducteur, un bloquage du différentiel central. Avec ses dimensions réduites, la VAZ 2121 va initier un nouveau marché : le SUV compact.
Après presque trois ans de mise au point et de tests, une transmission et une suspension améliorée par Porsche, la VAZ 2121 est présentée en novembre 1976 et mise en production six mois plus tard. Dès juin 1977, le cap des 6000 voitures est déjà franchi rien que sur le marché intérieur auquel elle est en principe réservée. Mais c'est sans compter sur l'intérêt que lui porte Jacques Poch qui comprend très vite le débouché commercial qu'elle pourrait permettre. Elle est alors importée sous le nom "Lada Niva", littéralement "champ de blé", et mise à prix au niveau d'une Renault 18 TS. Elle devient très vite le premier 4X4 en nombre de ventes, démocratisant ainsi le 4X4 qui n'était plus réservé aux propriétaires de Land ou Range Rover et autres Land Cruiser de Toyota. Dans l'élan les clubs de véhicules tout-terrain allaient fleurir dans l'héxagone et créer une véritable mode. Plus loin, en Europe, au Japon, le succès se confirme et bientôt tout autour du monde, au point où l'objectif des 25000 voitures produites chaque année a été très vite dépassé et d'autres usines ont dû être créées, en Grèce, au Brésil, en Equateur, au Panama et même au Canada. Pour achever son succès, Jacques Poch ira jusqu'à sponsoriser des équipes au Rallye Paris-Dakar où elle connait des fortunes diverses allant jusqu'au podium et des victoires dans d'autres rallyes-raid.
Cependant, au-delà de son succès, ses défauts vont aussi se révéler très vite. Un moteur très gourmand qui n'a rien à envier au V8 du Range en termes de consommation, qui se révèle trop juste pour le tout-terrain lorsqu'on souhaite passer sans forcer. La mécanique est mise à rude épreuve et la fiabilité s'en ressent. Elle est certes très habile en tout-terrain mais pêche par son manque de débattement dans les croisements, manque de couple pour accrocher des angles importants sans devoir prendre de l'élan et sa structure monocoque souffre des contraintes. Si l'on rajoute une finition des plus approximatives, d'une rigueur de montage inexistante, les retours au garage sont fréquents. Mais son prix incomparable la maintient en tête des ventes.
En 1985, elle reçoit enfin une boite cinq rapports censée diminuer la consommation. Au résultat le gain est faible, et comble d'ironie, l'étagement lui fait perdre en nervosité. Toutefois, la concurrence restant faible, elle continue de caracoler en tête des ventes, en dépit de l'arrivée de l'Aro 10 dont le réseau embryonaire empêche tout envol commercial et du Suzuki Jimny importé sous le label Santana SJ410. En 1988, pour tenter de réduire le prix du budget carburant, le GPL est proposé.
Il faut attendre 1993 pour que Diesel s'installe sous le capot de la Niva. Le moteur est adapté XUD9 que l'on retrouve dans la Peugeot 205. Il est remplacé par le moteur 1,9 litres turbo-D de 92 ch en 1998. Entre temps, le 1600 a été remplacé par un 1700 injection, à peine plus économe, et nettement moins souple. Durant la période, la Niva souffre de l'arrivée des SUV modernes, comme le Suzuki Vitara, et le Toyota RAV-4 qui certes sont plus chers, mais plus confortables. Et côté budget, la Fiat Panda 4X4, moins performante en tout-terrain mais plus économique a également causé du tort.
Durant des années, la Niva vivote sur son capital. Les ventes chutent face à une concurrence bien plus séduisante pour la plupart des citadins qui constituaient sa clientèle initiale. Le développement des SUV relègue la Niva aux oubliettes et lui fait faire presque figure de dinosaure vivant. Tant et si bien qu'en 2005, Lada cède le nom "Niva" à General Motors, ironie de l'histoire. Elle est dénommée alors Lada 4x4 jusqu'en 2009. La gamme revient alors avec une nouvelle édition souvent appelée "Niva M" mais qui s'intitule "Tsarina" ou "Norma" selon le niveau d'équipements.