Ferrari 250 GTO (1962-1964)
(Auto-Moto-Rétro, Parc des Expos de Rouen, Seine-Maritime, septembre 2017)
Ferrari 250 GTO
Au tournant des années 1960, Ferrari domine les courses d’endurance avec ses prototypes et ses GT. Mais l’arrivée de nouvelles règles de la FIA pousse la marque à faire évoluer sa 250 GT SWB. Giotto Bizzarrini, ingénieur talentueux, se voit confier la mission de concevoir une GT capable d’affronter les Jaguar Type E et Aston Martin DB4 GT Zagato.
L’histoire prend une tournure particulière en 1961 : une fronde interne oppose plusieurs ingénieurs – dont Bizzarrini – à Enzo Ferrari. Le « Commendatore » écarte brutalement cette équipe, qui fondera ATS, une modeste écurie qui tentera en vain de concurrencer Ferrari.
Mais avant son départ, Bizzarrini a jeté les bases du projet qui deviendra la 250 GTO. C’est Mauro Forghieri, jeune ingénieur appelé à un brillant avenir, qui finalise le développement, tandis que la carrosserie est confiée à Scaglietti.
En février 1962, la Ferrari 250 GTO est homologuée en catégorie GT, malgré des protestations sur son caractère « trop prototype ». La légende est lancée.
Le sigle GTO signifie Gran Turismo Omologato. Il renvoie directement aux règlements de la FIA : pour courir en catégorie GT, un modèle devait être « homologué », c’est-à-dire reconnu comme une voiture de grand tourisme dérivée de la série. Enzo Ferrari a toujours su jouer avec les règles, et la GTO en est un exemple parfait : sous son apparence de GT, elle se rapproche bien plus d’un prototype de course. Ce sigle, à l’origine purement administratif, est devenu au fil du temps une véritable marque de noblesse dans l’univers automobile.
La 250 GTO incarne la quintessence des modèles Ferrari du début des années 1960. Sous le capot, elle reprend le V12 Colombo de trois litres, un bloc à simple arbre par rangée de cylindres, alimenté par six carburateurs Weber, développant environ 300 ch. Le moteur, issu de la 250 Testa Rossa, est monté sur un châssis de 250 GT SWB renforcé et soudé à la main.
La suspension avant adopte des bras transversaux indépendants, tandis que l’arrière reste fidèle au pont rigide. Les freins sont à disques, et les roues sont de classiques jantes Borrani à rayons. Si la boîte de vitesses à cinq rapports marquait un progrès, elle n’était pas révolutionnaire : c’est surtout la grille métallique de sélection, avec la première décalée en bas à gauche, qui marquera l’identité des Ferrari suivantes. Cette disposition restera la norme jusqu’à l’arrivée des boîtes à six rapports, qui conserveront la fameuse grille mais avec la première en haut à gauche.
L’intérieur reflète une philosophie de course pure : dépouillé, simplifié à l’extrême, il se passe même de tachymètre, jugé superflu sur un modèle destiné avant tout à la compétition.
La carrosserie, façonnée en aluminium par Scaglietti, est le fruit d’une approche empirique. Le long capot plongeant, l’arrière tronqué façon Kamm et les ouïes d’aération témoignent d’une recherche aérodynamique menée plus sur route qu’en soufflerie. Qu'importe, la silhouette est pure, simple, proche de la perfection sans ostentation.
Dès son entrée en scène en 1962, la GTO s’impose. Aux 24 Heures du Mans, elle décroche la victoire en catégorie GT, exploit renouvelé en 1963 et 1964. Elle domine également le Tour de France Automobile, qu’elle remporte trois années consécutives. Sur la Targa Florio et d’autres épreuves d’endurance, elle se montre redoutable par sa fiabilité et son équilibre.
En réalité, la GTO n’est pas la plus puissante de son époque. Le moteur 3 litres procure un peu plus de 300 chevaux, et le couple de 30 mkg n'est pas particulièrement élevé. Elle compense par une vitesse maximale théorique entre 280 et 285 km/h (selon le rapport de pont choisi). Mais c'est son homogénéité – moteur, châssis, aérodynamique – qui en fait une arme redoutable. Elle sera triple championne du monde des constructeurs en GT, de 1962 à 1964, confirmant son hégémonie.
La 250 GTO est peut-être l’une des dernières voitures de ce niveau à conserver le comportement d’une routière normale. De façon plus visible encore, elle fut aussi l’une des dernières Ferrari à moteur avant à être véritablement compétitive au plus haut niveau.
Produite à seulement 36 exemplaires (33 séries « normales », 3 avec la carrosserie de 1964 dite « 64 »), la GTO a connu un destin singulier. Dans les années 1960 et 1970, ces voitures suivaient la logique implacable des modèles de course : une fois obsolètes, certaines servaient encore dans des compétitions régionales, d’autres finissaient converties en voitures de route, glorieuses mais souvent peu pratiques.
À partir des années 1980, son statut change : la 250 GTO devient l’icône absolue de la collection automobile. Aujourd’hui, elle occupe la première place du panthéon, tant pour son palmarès que pour sa rareté. En 2018, un exemplaire s’est vendu plus de 48 millions de dollars, et certains changements de mains privés ont dépassé les 70 millions. Mais au-delà des chiffres, la GTO incarne une idée de l’exclusivité : posséder une telle Ferrari, c’est rejoindre un cercle restreint de collectionneurs pour qui le prestige dépasse la valeur marchande et ont conscience de détenir un part du patrimoine mondial de l'automobile.
FICHE TECHNIQUE :
🔹 Type du moteur : V12 à 60° atmosphérique
🔹 Bloc : Fonte légère
🔹 Culasse : Aluminium
🔹 Emplacement : longitudinal, avant
🔹 Puissance fiscale : 17 CV
🔹 Cylindrée : 2 953 cm³
🔹 Alésage x course : 73 x 58,8 mm
🔹 Taux de compression : 9,8 :1
🔹 Vilebrequin : à 7 paliers
🔹 Puissance maximale : 300 ch à 7 400 tr/min
🔹 Couple maximal : env. 30 mkg à 5 500 tr/min
🔹 Distribution : Simple arbre à cames en tête par rangée
🔹 Nombre de soupapes : 24
🔹 Alimentation : 6 carburateurs Weber 38 DCN
🔹 Type de transmission : propulsion
🔹 Boîte de vitesses : manuelle à 5 rapports
🔹 Direction : à crémaillère
🔹 Diamètre de braquage : ~11 m
🛠️ CHÂSSIS & SUSPENSIONS
🔹 Châssis : Tubulaire soudé à la main en acier
🔹 Suspension avant : Doubles triangles inégaux, ressorts hélicoïdaux, amortisseurs télescopiques, barre antiroulis
🔹 Suspension arrière : Pont de Dion, doubles triangles inégaux, amortisseurs télescopiques, ressorts hélicoïdaux
🔹 Longueur : 4 325 mm
🔹 Largeur : 1 600 mm
🔹 Hauteur : 1 210 mm
🔹 Empattement : 2 400 mm
🔹 Voie avant : 1 354 mm
🔹 Voie arrière : 1 350 mm
🔹 Pneus avant : 6.00 x 15
🔹 Pneus arrière : 7.00 x 15
🔹 Freins avant : Disques ventilés Dunlop (314 mm)
🔹 Freins arrière : Disques ventilés Dunlop (298 mm)
🔹 Vitesse maximale : 280 à 285 km/h (selon démultiplication)
🔹 0 à 100 km/h : 5,4 s
🔹 400 m D.A. : 14,3 s
🔹 1000 m D.A. : 27,8 s
🔹 Capacité du réservoir : 130 litres
🔹 Volume du coffre : néant (emplacement réservoir et roue de secours)
🔹 Poids à vide : 880 kg