07 septembre 2022

Renault Nervastella TG3 coupé Binder (1933)

RenaultNervastellaTG3coupeBinderAv
(Auto-Moto-Rétro, Parc des Expos de Rouen, Seine-Maritime, septembre 2015)

On l'oublie souvent, mais avant-guerre, la gamme Renault est très étendue. De la populaire KZ à la somptueuse 40 CV, il y en a pour tous les goûts. Et en matière de luxe, la 40 CV est à la hauteur des Hispano-Suiza H6. Mais à l'orée des années 30, alors que la crise financière écrème tous les constructeurs de taille modeste, Renault persiste dans le segment du luxe. Et la 40 CV est remplacée par une Reinastella avec un long capot qui abrite un moteur 8-cylindres en ligne de 7,5 litres. Elle est devient la première Renault avec une grille de calandre suite au déplacement du radiateur à l'avant du moteur.

C'est, en 1929, une Vivastella dont on a rallongé le capot pour accueillir le moteur 8-cylindres. Moteur à course longue de 4,2 litres (75 x 120 mm), il procure une très belle souplesse à l'imposante limousine. Plusieurs carrosseries sont disponibles : conduite intérieure 6 glaces évidemment, mais aussi coupé, cabriolet, berline deux portes, etc. Seulement 10 exemplaires sont vendus en 1929 et 344 en 1930, 660 en 1931. Le suffixe "-stella" sera alors attribué à toutes les versions haut de gamme de la marque et non plus seulement à la Reinastella. Une petite étoile au-dessus du losange vient apporter une distinction. Ainsi la gamme se compose de Monastella, Vivastella et Reinastella, cette dernière profitant d'un moteur à 8 cylindres en ligne. Mais l'écart est très important entre la Vivastella et son 6-cylindres de 3,2 litres (et 15 CV) et l'opulente Reinastella de 32 CV. En 1930, la Nervastella vient donc s'intercaler avec un moteur à 8 cylindres en ligne de 24 CV et 4,2 litres.

En 1932, la Nervastella, nom de code TG, devient TG2. Sans changer de cylindrée, le bloc moteur est nouveau. Le dessin de la voiture est modernisé en particulier la calandre plus inclinée vers l'arrière. Parallèlement, Renault lance sa gamme Sport et en mars 1932 la Nervasport voit le jour. C'est une Nervastella raccourcie et allégée qui donne dans la mode des "voitures surpuissantes". Avec 100 ch pour un poids de deux tonnes, elles peut atteindre 140 km/h, une folie à l'époque. Les TG évoluent en TG3 puis TG4 en 1933 (nouvelle colonne de direction, nouvelle boite de vitesse, carburateurs inversés. Elle devient ZD et ZD2 en 1934 avec un profil plus aérodynamique.

La plupart des modèles sortent carrossés des usines Renault, mais certains exemplaires sortent châssis nu pour être carrossés par des artisans, pour ne pas dire parfois des artistes. C'est le cas du modèle présenté, mais qu'on ne distingue pas bien en raison de la configuration des lieux. Un cordon empêchait de pénétrer sur le stand et aucune autorisation de le franchir n'a été accordée. Par ailleurs, les voitures trop serrées entre elles et collées au mur empêchent de varier les angles. Ainsi, on ne pourra pas admirer le soin de ce coupé avec chauffeur carrossé par Henri Binder en 1933. A cette époque, le chauffeur est séparé du maître par une cloison et seule la partie arrière est couverte. Le chauffeur est laissé aux intempéries mais dispose d'une instrumentation complète (montre, jauge de carburant, . La partie arrière est très raffinée, même si sa forme est un peu anachronique, proche des dilligences. L'intérieur est drapé de tissu bleu marine pour la banquette.

Chère pour son époque, chère tout court, la Nervastella n'a pas été beaucoup diffusée. Si ce coupé-chauffeur est unique, il y aurait eu 256 voitures produites cette année-là, avant de passer en 1934 à la TG4, puis de moderniser la voiture en 1935 avec la Nervastella ACS2.

Pour en savoir plus : Les Renault d'Avant-Guerre


11 juin 2022

Panhard-et-Levassor X31 Coupé Chauffeur Rigier (1920-1922)

PanhardetLevassorX31CoupeRigierav

PanhardetLevassorX31CoupeRigierav1

PanhardetLevassorX31CoupeRigierar

PanhardetLevassorX31CoupeRigierint
(Auto-Moto-Rétro, Parc des Expos de Rouen, Seine-Maritime, septembre 2015)

Panhard et Levassor sont des pionniers de l'automobile. Après avoir commercialisé la première voiture automobile, les deux hommes ont constitué rapidement une vraie gamme de voitures. Dans cette explosion d'innovation d'un monde où tout est à inventer, chaque voiture est différente de la précédente et les carrosseries différent même si les mécaniques sont identiques. Sans cesse, les moteurs Daimler sont améliorés de façon à augmenter la puissance.

Après la Première Guerre Mondiale, la paysage automobile a changé. L'automobile n'est plus totalement un objet de luxe et la concurrence s'est accrue. La firme perd sa place de premier constructeur national au profit d'autres constructeurs aux modèles plus populaires comme Renault, Peugeot et bientôt Citroën. La gamme de Panhard est alors d'une diversité folle allant de petites voitures de 7 CV construites au compte-gouttes jusqu'au rutilantes limousines de 35 CV et leur moteur de plus de 7 litres de cylindrée !!

Mais surtout, depuis 1910, Panhard et Levassor proposent deux types de moteurs : soit des moteurs classiques, soit des moteurs sans soupape. L'entreprise dispose du droit d'utiliser la licence du moteur Knight, du nom de son inventeur, Charles Yale Knight. Ces moteurs sont à chemises louvoyantes, c'est à dire qu'entre le piston et le bloc moteur, une chemise se déplace d'un sens puis dans l'autre et ouvre les lumières d'admission ou d'échappement. Ce système procure un silence de fonctionnement assez étonnant mais il se revèlera fragile et, finalement, assez peu rentable. Peu à peu, le nombre de modèles  disposant de ce type de moteur augmente constamment, si bien qu'en 1924, toutes les voitures de la marque disposent de cette motorisation.

Et justement, la X31 produite à partir de 1920 est la dernière voiture à disposer d'un moteur avec soupapes. Cette 12 CV est équipée moteur dit "Centaure", à 4 cylindres de 2275 cm3. Les châssis sont le plus souvent livrés nus et sont habillés par des carrossiers artisans. C'est le cas de notre modèle conçu par la carrosserie Rigier, un coupé avec chauffeur. On note que la partie avant est ouverte au vent tandis que l'arrière est fermé, et luxueusement équipé avec une banquette arrière en velours digne d'un canapé.

Le type X31, qui est le nom du combiné châssis-moteur, sera produit à 1376 exemplaires jusqu'en 1922. Ensuite, l'ère des moteurs sans soupapes durera jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale avec les 6CS puis les Dynamic. Après guerre, ça sera l'ère des bicylindres refroidis par air des Dyna X, Dyna Z puis des PL17 et 24CT.

02 avril 2022

Avions Voisin C-11 (1926-1928)

AvionsVoisinsC11av

AvionsVoisinsC11av1

AvionsVoisinsC11pf

AvionsVoisinsC11ar1

AvionsVoisinsC11ar

AvionsVoisinsC11mot

AvionsVoisinsC11int1

AvionsVoisinsC11int2

AvionsVoisinsC11int3

AvionsVoisinsC11det1

AvionsVoisinsC11det2
(Auto-Moto-Rétro, Parc des Expos de Rouen, Seine-Maritime, septembre 2015)

Gabriel Voisin est un des pionniers de l'industrie moderne et de l'aviation en particulier. Après études aux Beaux-Arts de Lyon, il est engagé comme dessinateur pour Ernest Archdeacon, un riche avocat irlandais passionné par les débuts de l'aéronautique. Deux ans plus tard, il se fait remarquer pour avoir transformé un planeur en hydravion qu'il fait voler quelques centaines de mètres sur la Seine, vers Boulogne-Billancourt.

Deux ans plus tard, avec son frère Charles, il fonde la société Voisin Frères, qui fabrique des avions. De riches clients leur achètent des engins dans la but de franchir les premiers records de l'époque : vol de 300 mètres, puis le premier kilomètre en circuit fermé avec décollage et atterrissage !

Après avoir perdu Charles dans un accident automobile en 1912, l'entreprise est renommée "Avions Voisin" bien que la société soit "Société anonyme des aéroplanes G. Voisin". Il poursuit l'entreprise et vend de plus en plus d'avions en voguant sur l'engouement de la bourgeoisie dorée pour l'aviation.  Et bientôt l'armée s'intéresse à lui, et dès 1914 il fabrique des avions à vocation militaire. Au cours de la Première Guerre Mondiale, il conçoit le premier avion à charpente tubulaire qui permet de soulever 350 kg de charge. Avec son hélice à l'arrière, cet original engin servira de bombardier nocture pendant le conflit. Voisin en aurait alors fabriqué plus de 10 000  au cours de la guerre.

Arrive la fin du conflit, il se détourne de l'aviation et s'ouvre vers l'automobile qu'il juge plus prometteuse. Il se lance alors dans le dessin de voiture originale en utilisant les techniques les plus avancées. Il va créer les premières structures monocoque, des carrosseries en aluminium. Avec André Noël, il vont dessiner des carrosseries aux angles nets et pourtant en recherche aérodynamique, en recherchant l'équilibre des masses, en accordant du soin à l'espace dédié aux bagages et mille autres attentions qui soulignent le passé d'avioneur.

En 1926, l'entreprise présente la C-11 (notre modèle). C'est le premier moteur 6-cylindres de la marque qui a souvent utilisé de gros moteurs à 4 cylindres. Ces moteurs sont de type Knight, c'est à dire sans soupape mais avec des chemises louvoyantes. Le moteur 6-cylindres de 2,3 litres (2327 cm3) est un modèle de régularité et de silence. Il procure alors 66 ch, ce qui au milieu des années 20 est plutôt conséquent.

Les premières versions sont commercialisées avec la carrosserie de la C-7. Mais de nombreuses carrosseries seront disponibles :
- châssis nu : Chasidim
- conduite intérieure 2 portes 4 glaces "Lumineuse" : Chasserons
- cabriolet 2 portes 4 glaces "Sulky" : Chassidear
- berline 4 portes 4 glaces : Chasseriez
- conduite intérieure 7 places : Chasselas

Mais d'autres carrosseries existent, suite à des carrossages par des artisans extérieurs, pour les voitures livrées châssis nu, comme notre modèle. Avec la partie chauffeur à l'air libre et la partie arrière carrossée, cette configuration souvent appelée "Coupé de Ville" et est nommée "Duc Cadet" par son concepteur.

On note sur le modèle présenté une qualité de fabrication exceptionnelle. Les sièges sont de véritables fauteuils, recouverts d'un velours tendu. Il y a quantité de petites astuces en commençant par la boite à outils dissimulée dans l'aile ou l'original phare situé à l'arrière droit pour mieux éclairer le bas côté.

Produite à 2200 exemplaires environ, la C-11 est la Voisin la plus vendue de l'histoire de la marque. Elle est remplacée en 1928 par la C-14. Une quinzaine d'exemplaires sont recensées en France, dont deux sont classés Monument Historique.

Le franchissement des années 30 est une étape douloureuse. Gabriel Voisin voit les finances de son entreprise d'assécher, au point où il est incapable de payer l'intégralité de ses dessinateurs. C'est ainsi qu'il vit le départ d'un certain André Lefebvre qui, bien que recommandé à Louis Renault, finira chez Citroën où il donnera naissance à la Traction, puis la 2 CV et la DS.

26 août 2015

Packard Eight type 904 (1930-1938)

PackardEight904
(Auto-Moto-Rétro, Parc des Expos de Rouen, Seine-Maritime, septembre 2012)

Les frères James Ward et William Doud Packard ainsi que George L. Weiss s'associent dans la Ohio Automobile Company en 1898. Ils fabriquent un véhicule deux places très rudimentaire. Ils en vendent cinq exemplaires. La société devient "Packard Motor Car Company" en 1902 et déménage à Detroit en 1904. Peu à peu leurs modèles d'améliorent et adoptent même les solutions imaginées par De Dion-Bouton : moteur à l'avant refroidi par eau. Puis il inventent le moteur à 6 cylindres et pendant la guerre le premier V12 en s'appuyant sur les connaissances engrangées dans la conception de moteur d'avions (moteurs Liberty). Ce sont des voitures luxueuses qui sont parmi les plus chères du marché américain. Après la guerre, et durant les années 20, la renommée de Packard dans le domaine de l'automobile de luxe ne cesse de croître. Si bien qu'au début des années 30, Packard est une des seules marques américaines de luxe dont le nom ait traversé l'Atlantique, avec Cadillac et Duesenberg. Elle est aussi la rivale des Hispano-Suiza, Delage, Bugatti ou Voisin, ou Rolls-Royce.

Dans la gamme, la Packard Eight est l'une des plus sélectives. Elle n'est pas produite à plus de dix exemplaires par jour et les variantes sont tellement nombreuses qu'on ne retrouve pas deux voitures identiques. Il existe trois modèles (Standart, Custom et De Luxe) dont chacun dispose de plusieurs longueurs d'empattement. Mais il y a aussi 11 carrosseries différentes et la voiture peut être livrée châssis nu pour être habillée par un carrossier indépendant.

Quant au modèle présenté, il est justement de ceux qui ont été habillés par un carrossier indépendant. Commandé en 1931 à l'importateur par la Duchesse de Montpensier (Maria-Isabel-Joséphina-Magdalena-Théodora Gonzalez de Olanetta e Ibaretta, Vicomtesse de Los Antrines, Marquise de Valterrazo, et Duchesse de Montpensier par alliance, cousine par alliance du Roi d’Espagne Alphonse XIII), c'est le carrossier Franay qui est à l'origine de ce coupé-chauffeur. Après avoir pris la suite de son père Jean-Baptiste en 1922, Marius Franay fait partie de ces grands noms de la carrosserie automobile avec Kellner, Labourdette, ou Saoutchik. Il a remporté de nombreux concours d'élégance et on lui doit la Citroën 15-Six du Président René Coty, juste avant qu'il ne prenne sa retraite en 1955.

Sur un empattement long (3,68 m, la longueur de la voiture est de 5,70 m), la carrosserie à été façonnée à la main et posée sur une charpente en bois. A l'intérieur de la partie passager, les velours et la marquetterie recouvrent l'habitacle avec raffinement. Même le toit est recouvert de cuir. Un système permet de communiquer avec le chauffeur sans devoir se pencher vers l'avant. Les portes s'ouvrent d'arrière en avant, et un ingénieux système de charnières dissimulées permet de les ouvrir à 180° de façon à dégager l'ouverture au maximum. En outre, chaque fenêtre dispose d'une ouverture à crémaillère. Pour le chauffeur à l'extérieur, une capote en cuir lui permet de se protéger des intempéries. Il dispose également de marquetterie et de fauteuils en cuir. Une vitre escamotable par une manivelle permet de séparer chauffeur et propriétaire. Le pare-brise est deux parties et celle du haut peut se redresser pour pouvoir profiter un peu plus de l'air frais.

D'un point de vue technique, la voiture est animée par un 8 cylindres en ligne de 6,3 litres (88,9 x 127 mm) avec soupapes en L (une en tête, l'autre latérale) et une culasse en aluminium. Monté sur silents-blocs, le moteur développe 110 ch à 3000 tr/min (36 CV) et dans un silence impressionnant, la voiture atteint 128 km/h en dépit des presque deux tonnes qu'elle accuse. Sans supplément, en remplacement de la boite à 3 rapports, une boite entièrement synchronisée pouvait être installée (ce dont ne dispose pas cette voiture). Dans les particularités de Packard, la suspension à ressorts à lames semi-elliptiques était secondée par des amortisseurs hydrauliques réglables depuis l'intérieur.

A l'origine la voiture était marron clair. Elle a été conservée dans la famille jusqu'en 1989. On la retrouve avec 11 000 miles au compteur. On la retrouve noir dans une vente de Bonhams en février 2009. Estimée entre 60 000 et 100 000 €, elle a été cédée au prix de 55 200 €. Il semble qu'elle ait été à nouveau repeinte dans ce ton de gris.

Pour en savoir plus : Bonhams