15 janvier 2023

M3 Half Track (1940-1944)

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(Arromanches-les-Bains, Calvados, février 2016)

L'idée de créer un véhicule blindé chenillé émerge aux USA dans les années 30. Les états-majors de la Cavalerie constatent que leur véhicule dédié aux transport de troupes est assez lourd, puisque blindé, et qu'il tend à s'enliser sur les sols trop humides. Inspirés par les travaux de l'ingénieur Kégresse au profit de Citroën, les concepteurs de la White Motor Company ont l'idée d'assembler une chenille d'un camion chenillé T9 sur une voiture de reconnaissance M3 Scout Car.

Si le véhicule convainc par ses capacités de franchissement en terrain humide, il est alors clair qu'il manque de puissance. Le véhicule d'alors est donc modifié jusqu'à recevoir un moteur 6-cylindres en ligne de 6,6 litres qui lui procure 148 ch. Les pièces sont standardisées et petit à petit l'engin devient M2. Parallèlement, un M3 est produit, plus grand, plus haut, plus large.

Le M3 apparaît aux environs de 1940. Il est adopté par les forces américaines après 70 modèles essayés. La production est alors confiée à trois entreprises : la White Motor Company, Diamond T Company, et Autocar. Elles vont fabriquer environ 15 000 véhicules en version standard et 38 000 unités supplémentaires dans les variantes qui ont été créées en fonction des usages auxquels le véhicule est destiné.  On retiendra principalement le M3A1 qui est encore plus grand, mais ce sont surtout les armements à bord qui vont générer des versions différentes. On peut aussi évoquer le M5 construit par International Harvester qui dispose d'une motorisation différente et d'un blindage plus épais.

Haut de 2,26 mètres, large de 2,22 m et long de 6,17 m, il pèse plus de 9 tonnes ! Son moteur, presque identique à celui du M2 ne lui fournit que 128 ch. La boite est manuelle, non synchronisée et il dispose d'une boite de transfert et d'un gamme de rapports courts. La direction n'est pas assistée et tourner le volant à l'arrêt est un calvaire. Il est suspendu par des ressorts à lames à l'avant, et un unique ressort hélicoïdal vertical à l'arrière. On lui reprochera d'être difficile à manier et une direction très imprécise, mais il se révèlera très à l'aise dans le bocage normand et ses sols argileux détrempés. Il est vite baptisé "Purple Heart boxes", du nom de la décoration donnée aux blessés de guerre. Son blindage est jugé insuffisant, à juste titre, surtout sur la partie haute. Autre souci, le galet tendeur de la chenille est trop fragile surtout en terrain difficile.

Finalement produit à peu d'exemplaires, 53 000 en tout, le Half Track sera amélioré, fiabilisé au cours de sa carrière. Sa production cesse en 1944, mais il sera utilisé durant de nombreuses années tout autour de la planète par les Alliés.

Posté par Zorglub34 à 16:02 - - Commentaires [0]
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30 avril 2011

Citroën C4 Kegresse (1933-1934)

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(Auto-Moto-Rétro, Parc des Expos de Rouen, Seine-Maritime, septembre 2009)

Les premiers essais d'une voiture à chenille seraient le fruit de Clément Ader, père de l'aviation. S'apercevant qu'au jardin des Tuileries, les voiturettes tractées par des chèvres s'enfoncent dans le sable, il conçoit un premier modèle de chenille souple. Mais aucune autre application n'est entrevue et aucune avancée n'est effectuée par la suite. Il faut attendre d'un jeune homme très intéressé par la mécanique s'en aille tenter sa chance en Russie qui est alors encore sous le régime du Tsar et qui ouvre largement ses portes aux Français. Le jeune Adolphe Kégresse, originaire de Haute-Saône, est employé à Saint-Pétersbourg et se fait remarquer en dépannant une plaque tournante coincée par le gel et qui empêche le Tsar de rentrer à Moscou. Repéré par le Prince Orloff, il devient alors responsable du garage impérial en 1906, et bénéficie ainsi d'une large autonomie.

Les voyages en Russie durant l'hiver s'avèrent très périlleux et seul le train permet à l'époque une certaine fiabilité, sous réserve du gel des aiguillages et autres congères sur les voies. Quant aux voitures, elles sont très vite inefficaces sur la neige épaisse. Kégresse conçoit alors très vite son projet : "Construire une machine permettant de circuler aussi bien sur une couche neigeuse, quelqu'en soit l'épaisseur, que sur la glace ou sur route, à une vitesse seulement limitée par la puissance du moteur, tout en effectuant le passage d'un terrain à l'autre de manière automatique, sans aucun arrêt ni réduction de vitesse. L'appui nécessaire à la propulsion étant pris sur le terrain parcouru par la machine". Kégresse remarque que les voitures enlisées ou enfoncées dans la neige s'en sortent lorsque leur marche-pied touche le sol. Il conçoit alors l'idée d'un marche-pied mobile. Une première voiture est équipée, il s'agit d'une des Mercedes du Tsar Nicolas II. A l'avant, des patins sont fixés à côté des roues à quelques centimètres de hauteur. A l'arrière, un deuxième essieu est fixé en avant du premier, et une bande est placée autour des deux essieux. A l'avant, lorsque les roues s'enfoncent dans la neige, les patins soulagent le poids et la voiture ne s'enfonce pas. A l'arrière les bandes mobiles effectuent elles-mêmes ce travail. Le principe de la chenille est né. Des premières chenilles sont en poil de chameau, d'autres sont en cuir tressé, et c'est finalement le caoutchouc qui est retenu. Conscient de l'ingéniosité du système et de la supériorité qu'elle procure par rapport à toute armée motorisée, le Tsar fait équiper des auto-mitrailleuses et des ambulances pour son armée. En 1913, Kégresse dépose en brevet et revient en France en 1919 à la suite de la Révolution d'Octobre. Il rencontre très vite André Citroën qui, toujours à l'affût des innovations et du talent, l'enrôle très vite.

Citroën crée très vite une filiale de véhicules tout-terrain, finançant par moitié une société pour développer le système Kégresse et fait entrer dans la société pour le dernier quart un ingénieur, Jacques Hinstin. Le système est perfectionné pour régler le problème de l'usure rapide de la bande qui ne tient que 2000 à 6000 km. Dès 1921, des voitures sont équipées du système Kégresse-Hinstin. Les premières applications sont évidemment militaires et le système Kégresse fait ses preuves dans des démonstrations sur la Dune de Pilat, dans la forêt de Fontainebleau puis en Afrique du Nord. D'autres pays sont également équipés du système. Dès 1922, Citroën conçoit alors une expédition au Sahara qui est un franc succès. Des militaires français, comme le général Estienne, incitent Citroën à concevoir ses "Croisières" dans l'objectif stratégique de développer les liaisons terrestres dans l'empire colonial. C'est alors alors la fameuse "Croisière noire" au travers de l'Afrique, de Tombouctou au Cap de Bonne Espérance via Madagascar pour certains équipages. Les voitures évoluent parallèlement à la gamme et des premières Type A sorties des ateliers, ce sont des B2 qui ont traversé le Sahara et la Croisière Noire a lieu sur voitures équipées des moteurs des 15HP Mors, une firme détenue par Citroën. En 1931, c'est la "Croisière Jaune", de Beyrouth à Pékin à bord de Citroën B12, C4 et C6 à six cylindres. Un rouleau à l'avant permet de régler le souci de l'angle d'attaque pour certains obstacles. La chenille pousse le véhicule et le rouleau lui lève le nez autant que nécessaire jusqu'à ce que les roues montent sur l'obstacle. Le succès de ces deux expéditions offrira à Citroën un retentissement mondial et lui donnera pour toujours la réputation d'un homme audacieux et visionnaire. La plus discrète "Croisière blanche" de 1934 se révèlera un échec cuisant. De fait, elle n'est pas conçue par George-Marie Haardt, mais par Charles Bedaux qui n'a pas l'expérience du premier. Les cinq voitures engagées sont très rapidement détruites et l'expédition revient piteuse à son point de départ, mais à cheval.

La voiture présentée ici serait l'une des Citroën C4 Kégresse ayant participé à la Croisière Blanche. Cependant, trois des cinq voitures ont été perdues dans des rivières en crue et les deux autres sont englouties par la boue. On peut penser que cette voiture est peut-être une reconstitution d'une des voitures d'origine.

Quant à Kégresse, il a quitté Citroën en 1934 pour fonder son propre atelier à Croissy-sur-Seine, où il travaille notamment sur un engin anti-char téléguidé et une boite de vitesse automatique. Il meurt brutalement en 1943 alors qu'il était en train de peaufiner les réglages d'un moteur, laissant derrière lui plus de 200 brevets dont certains sont encore utilisés par l'industrie automobile.