Innocenti Mini T (1965-1975)
(Auto-Moto-Rétro, Parc des Expos de Rouen, Seine-Maritime, septembre 2015)
Fernandino Innocenti est un forgeron toscan. Il fonde sa société en 1930 et se crée une réputation dans les tubes métalliques. Ses tubes servent à construire des échaffaudages et connaissent un très grand succès autour du monde. A l'issue de la Seconde Guerre Mondiale, l'envie de se diversifier lui vient et il s'engage dans la construction des scooters, très en vogue alors. Il devient avec la marque Lambretta, le premier concurrent de Vespa. Et dans le prolongement des scooters, la compagnie s'embarque dans la construction d'automobiles.
Les premières études à la fin des années 50 se font autour d'un petit véhicule avec un moteur de 400 cm3. Mais la présence de Fiat sur le marché effraye Innocenti et son fils Luigi, d'autant qu'ils fabriquent également les presses hydrauliques qu'utilise... Fiat. Le projet est enterré.
Le contexte économique d'alors est très favorable. Toute l'Europe est à reconstruire et l'essor économique est formidable. Le niveau de vie des ménages ne cesse de croître et le marché automobile devient populaire. Malheureusement, les droits de douane sont importants et les constructeurs doivent passer par des filiales et des usines dans les pays où ils veulent accéder, sous peine de ne pas être compétitif. C'est ainsi que Simca est apparue en France, NSU-Fiat en Allemagne, Lada, Zastava, etc... Les choses s'améliorent avec la création de la Communauté Economique Européene en 1957, mais l'Angleterre n'en veut pas ! La CEE, devenue Union Européenne en 1993, permet à ses membres de ne pas payer de droits de douane d'un pays à l'autre. Mais pour BMC, anglaise, extérieure à la CEE, le marché italien lui est fermé.
Et c'est justement avec Innocenti qu'un accord de coopération est trouvé en 1959. Innocenti fabriquera des Austin A40 sous licence. Logiquement, elle prend le nom d'Innocenti A40. La première voiture sort de chaine le 21 octobre 1960. Suivront d'autres modèles sur la base de l'Austin 1100/1300 puis Austin Allegro, etc. Parallèlement, en cette année 1960, Innocenti présente également une Innocenti 950 Spider, modèle entièrement conçu en interne avec l'aide de Ghia pour la carrosserie.
En 1965, BMC souhaite pouvoir concurrencer Fiat dans le marché des petites voitures. Elle lance donc l'Innocenti Mini pour aller titiller les Fiat 500, 600 et 850. La Mini est ainsi fabriquée en Italie et Innocenti lui apporte un soin particulier, faisant régulièrement évoluer le modèle. La Mini italienne finira même par obtenir une qualité de finition que n'aura jamais la version anglaise !
Par rapport à ses concurrentes italiennes, la Mini a un énorme avantage : une conception moderne avec un moteur avant transversal, une tenue de route incroyable et un petit moteur très souple. Et dès 1966, la Mini fait mouche et Innocenti, avec plus de 35 000 voitures fabriquées, dont 70 % de Mini, devient le troisième constructeur italien, devant Lancia et Autobianchi ! Ce dernier répondra avec l'A112.
La gamme s'étoffe peu à peu. La Cooper fait son apparition et le break Traveller. Ce dernier est un peu incongru en Italie où le break n'est pas très apprécié. Innocenti a bien pris soin de la baptiser T, et non Traveller, laissant un doute sur la signification. Sur une base rallongée de 11 cm, il offre des dimensions sensiblement identiques à une Fiat 500 Giardiniera. Il a troqué sa suspension hydrolastique contre des cones en caoutchouc. Sa parure de bois qui ne sert qu'à souligner son volume et est considérée par Issigonis lui-même comme prétentieuse. Malheuresement, elle coute deux fois le prix de la Fiat 500 Giardiniera, et même plus chère que l'Innocenti 1100 break... Aussi, les chiffres de vente restent confidentiels.
Petit à petit la voiture va évoluer : puissance en hausse, apparition d'une Mk II en 1968, possibilité d'un break sans bois et donc moins cher.
Mais c'est la disparition soudaine de Fernandino le 21 juin 1966 qui va précipiter les choses. Luigi se retrouve à la tête de l'entreprise et voudrait avoir les coudées plus franches vis-à-vis de BMC. Il ne souhaite pas renouveler l'accord de coopération qui échoit en 1968 et engage en 1967 Bertone et Michelloti pour concevoir une Mini revue et corrigée. Cependant, l'année 1968 est aussi agitée en Italie qu'en France et il est à son tour victime d'un problème de santé. Luigi se tourne vers les différents constructeurs pour qu'ils rachètent l'entreprise. Les discussions sont longues et c'est finalement BMC, devenue British Leyland qui finit par remporter le marché en 1972. Innocenti devient alors filiale à part entière et est réorganisée pour devenir le centre de distribution européen de BL.
Ainsi donc, la production des Mini et autres voitures du groupe British Leyland est poursuivie. La Mini est maintenue sur les chaînes italiennes jusqu'en 1975. Cependant, la crise se prolonge chez British Leyland. L'Innocenti Regent a été lancée, sur base d'Austin Allegro. Déjà assez décriée ailleurs, la voiture sera complètement boudée par la clientèle italienne, La production sera arrêtée au bout de 18 mois seulement. Les finances du groupe anglais sont à sec et il faut du cash. On lance tout de même la Mini Bertone, avec un certain succès.
Innocenti est alors rachetée à British Leyland par un consortium formé par l'état Italien et un ancien pilote et constructeur automobile qui a déjà racheté Maserati à Citroën : Alejandro De Tomaso.